Perspectives économiques en Afrique: Reprise inégale de la croissance sur le continent

L’ Afrique va renouer avec la croissance en 2011 : plus de 5%. C’est ce qu’a annoncé le mercredi 24 novembre à Tunis (Tunisie), l’économiste en chef et vice-président de la Banque africaine de développement à des journalistes africains au cours d’une formation à la couverture des questions de développement.

Le continent s’est fait une certaine résilience économique face à la récession mondiale. Après le tassement de l’activité économique, dû à la crise mondiale en 2009, la croissance revient à nouveau. Mais, la BAD prévient qu’elle sera disparate d’une région à l’autre. Grosso modo, l’Afrique aura une croissance de 5% selon les prévisions contre 4,2 et 6% respectivement en 2009 et 2008. Les perspectives prometteuses indiquent que toutes les régions et presque tous les pays devraient connaître une croissance plus robuste, même si la récession laissera plus ou moins des séquelles.

Ainsi, l’Afrique australe, la région ayant souffert le plus des effets de la crise, se remettra plus lentement que les autres. L’Afrique de l’Est, celle qui a plus résisté à la crise, connaîtra une croissance plus élevée au cours de la période 2010/2011.

Pour l’ancien directeur général de l’Agence française de développement, la croissance africaine se poursuivra forcément. « Il va falloir énormément de mauvaise volonté pour ne pas atteindre un taux de croissance supérieur à 5% au cours des 40 ans à venir », explique Jean Michel Sévérino. Car dit-il, ce qui est arrivé la décennie passée, à savoir une croissance économique soutenue et l’explosion démographique, a propulsé les projections. Tandis que les experts sont unanimes à reconnaître que les OMD ne seront pas atteints, il soutient pourtant que le continent sera la nouvelle star de la croissance économique mondiale.

Développer l’infrastructure

La reprise intervient aussi dans un contexte où les flux de l’aide publique au développement vont baisser, alors que de nombreux pays africains continuent de dépendre fortement de l’aide publique. L’économiste en chef de la BAD pense qu’il est urgent d’inverser cette tendance, en vue de maintenir une croissance soutenue et partagée en investissant massivement dans les infrastructures et les secteurs productifs. D’autant plus que « dans les 15 prochaines années, il y aura des pays qui ne recevront plus d’aide et vont devoir dépendre du dynamisme de leur secteur privé », avertit Mthuli Ncubé.

Or, entre 1960 et 2008, le montant total de l’aide injecté dans les pays en développement est évalué à plus de 653 Mds de dollars US, soit 40 fois l’économie de la Tunisie et moins que la somme débloquée aux Etats-Unis pour sauver les banques de la banqueroute (700 Mds de dollars) l’an passé. Il faut dire qu’en 2005, le G20 (le groupe des pays les plus riches de la planète) avait décidé d’accroître l’aide au développement à 25 Mds. En 2010, le constat montre que cette promesse n’a pas été tenue.

Et le niveau des financements se situe à 11 Mds. M Ncubé poursuit que les donateurs ont accordé peu d’attention par le passé, à la mobilisation des ressources publiques, capables de soutenir l’investissement et surtout, de rendre les Etats moins dépendants de l’aide. « Ce qui peut soutenir la croissance, c’est l’investissement dans les secteurs créateurs d’emplois et les entreprises », poursuit-il. Or là encore, le besoin de financement est abyssal : 95 Mds de dollars manquent à l’appel. D’après M Ncubé, si on parvenait à mobiliser et à investir, ne serait-ce que la moitié de ces fonds, 2% de plus s’ajouteraient à la croissance actuelle.

Appelant à développer l’infrastructure, il a évoqué que l’impact des programmes d’ajustement structurel qui ont l’effet positif le plus remarquable, se situe dans la qualité des gestionnaires (banques centrales, finances publiques…). Et d’ajouter qu’il faut de la flexibilité dans les politiques macroéconomiques et surtout, permettre aux pays africains de commettre des erreurs en suivant des politiques conçues par eux. « On le voit à la manière dont les économies ont su résister à la crise », explique Mthuli Ncubé.

La piraterie menace l’activité économique

De plus, avec la crise financière, l’accès aux financements pour doper l’investissement direct étranger devrait être plus difficile. Il est proposé par exemple, d’imposer l’immobilier urbain, en plein boom (NDLR : 70% d’urbanisation dans les 50 ans à venir selon les projections de l’ONU-Habitat. En effet, la nouvelle réglementation bancaire, plus stricte, amènera les investissements à considérer l’Afrique comme une zone à risque, en raison de certains facteurs telle l’instabilité politique.

A côté de cette situation, l’impact de la piraterie aux larges des côtes de l’Océan indien a eu des effets pervers sur l’activité économique. Ce fléau constitue une menace pour les ports et le trafic maritime en Afrique de l’Ouest et dans l’Océan indien. « La piraterie a influencé l’activité économique. C’est une préoccupation de la banque », relève Mthuli Ncubé. Aux Seychelles, le coût de la piraterie est estimé à 4% du produit intérieur brut.

S. Nadoun COULIBALY_(Tunis-Ouaga)/Sidwaya du 30 Novembre 2010

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